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Carnet de voyage en Ethiopie - Février 2016
par Anna Inaudi

Nous sommes partis dans le Tigré oriental, à Korkor, dans le cadre spectaculaire des montagnes de Gueralta. Le site est idéal pour la découverte des églises rupestres du Tigré, de la dépression du Danakil et de la région d’Axoum, capitale d’un royaume riche et puissant dont le souverain se convertit au Christianisme en l’an 330.

Arrivés à Maqalé, la capitale du Tigré, un délicieux parfum de café nous accueille dans le hall de l'aéroport : une jeune femme prépare le buna selon la manière traditionnelle, faisant d’abord griller les grains de café avant de les piler. L'air est agréable, le ciel limpide et notre chauffeur nous attend pour nous conduire au lodge de Korkor.

Les paysages agrestes des hauts plateaux s’ouvrent devant nous : champs labourés, terrasses, crêtes, une terre blanche, rouge ou marron foncé, une caravane d'ânes qui revient du marché, des troupeaux dont les chèvres s’accrochent aux branches d’acacias dont elles raffolent et, partout, des gens qui marchent le long des routes... Hameaux et villages se succèdent, avec leurs maisons en pierre entourées d'eucalyptus, d'acacias, d’euphorbes ’candélabres’ et des figuiers de Barbarie. Des enfants partout ! Les majestueuses falaises roses de la Gueralta se profilent à l'horizon. Un superbe sycomore, une allée verdoyante bordée d’euphorbes géants et nous voilà arrivés au lodge de Korkor, avec ses bungalows accueillants et confortables. Luigi Cantamessa nous accueille en maître des lieux.

Depuis le lodge de nombreuses excursions aisées permettent de découvrir les plus belles églises rupestres de la région. Taillées dans les rochers dès le 7e siècle, au sommet de falaises offrant des vues grandioses ou cachées dans la vallée, souvent enrichies de précieuses peintures, elles constituent un patrimoine d’un grand intérêt culturel et humain : ce sont des lieux vivants où l’on rencontre moines, pèlerins, fidèles. Les jeunes guides qui nous accompagnent sont serviables et alertes, orgueilleux de nous parler de leur patrimoine et de leurs traditions.

Les églises de vallée sont faciles d’accès, tel l’ensemble hypogée de Degoum, dont certains éléments pourraient avoir été taillés à l’époque préchrétienne ; Mariam Berakit, bâtie selon le modèle axoumite, Papaseiti ou Abreha Atsbeha, très ancienne et dont une partie des peintures est l’œuvre d’une artiste-peintre tigréenne du 19e siècle.

Parmi les églises de montagne, il y a celles de l’Amba blanche, telle Addi Kesho (une petite demi-heure de marche), les églises et monastères du Tembien, le monastère de Debré Damo, la seule construction en bois, pierre et argile de type axoumite encore visible et qui fut l’un des grands centres du christianisme en Ethiopie. Sa visite est réservée aux hommes, et notamment aux hommes vaillants qui osent escalader la falaise d’une quinzaine de mètres de hauteur à l’aide d’une corde.

Il y a ensuite les églises de Gueralta, toutes taillées dans la roche et peintes, telles Iohanni Meakudi, Abuna Abraham, Maryam Korkor aux peintures d’origine byzantine, l’incroyable aiguille de Guh décorée de magnifiques fresques (1h à 3h de marche). Enfin, les églises du sel, ainsi nommées parce que situées sur le parcours qui descend dans la dépression du Danakil.

Le Danakil justement. Une excursion de deux jours avec une nuit en campement constitue une source d’émerveillement continu, dans un univers défiant toute imagination.

Le peuple Afar exploite encore le sel de la manière ancestrale. L’après-midi, les caravanes - des dizaines, voire des centaines de chameaux - entament la remontée vers les hauts plateaux, chargés des plaques de sel. Seul le cliquetis feutré de leurs sabots craquelant la croûte de sel trouble le silence de la plaine qui s’étend à perte de vue.

Le lendemain matin l’univers minéral et coloré du site thermal de Dallol s’ouvre à nos yeux : ocres, jaunes, verts, turquoises, fumeroles, petites et grandes vasques, chuintements et bouillonnements, le spectacle est partout, à couper le souffle, à faire oublier la chaleur de cette zone située à 130m en dessous du niveau de la mer.
Sur le chemin du retour, rencontre saisissante avec les travailleurs du sel qui découpent, à l’aide d’outils issus d’âges immémoriaux, les plaques, toutes de la même taille, que les chameaux vont transporter le soir vers les hauts plateaux.

Une autre excursion de deux jours permet la découverte d’Axoum avec ses obélisques, les plus grands monolithes taillés au monde (le plus haut mesure 33.5m). Cette région fut le berceau de la civilisation éthiopienne. La forte demande de produits africains en Méditerranée favorisa la venue de marchands et commerçants de la péninsule arabique. Ils y établirent d’importants comptoirs, amenant avec eux leur civilisation, leur culture et leur religion, contribuant ainsi à la sémitisation du pays. La tradition éthiopienne fait remonter ces faits aux 9e et 10e siècles avant J.-C., ce qui est confirmé par les fouilles sur les sites sabéens de la région et en particulier par le temple et le palais de Yeha, les plus anciennes constructions du pays, que vous pourrez visiter.

Le royaume éthiopien d’Axoum, connu depuis le 2e siècle ap. J.-C., s’étendait sur un vaste territoire, de la région de Khartoum et Méroé jusqu’au sud de la péninsule arabique. On y parlait le sabéen (la langue sud-arabique), le guèze (la langue liturgique de l’Ethiopie actuelle) et le grec, pendant plus de deux siècles.

Enfin il y a le hasard des rencontres, les évènements fortuits. Février est l’une des saisons des mariages, après les festivités du Timkat et avant le Carême, période durant laquelle les Ethiopiens appliquent avec une grande rigueur les règles du jeune. Les convives arrivent drapés dans leurs shammas immaculés, transportant à dos d’âne d’énormes vanneries rondes et colorées contenant les indispensables injeras et leur cortège de mets odorants. Les femmes, arborant leurs seyantes coiffures traditionnelles et des bijoux rutilants, portent leur enfant sur le dos, les hommes amènent sistres, tambours et autres instruments inconnus et étranges. Les mariés arrivent sur des chevaux joyeusement harnachés ; la mariée, qui a le visage couvert jusqu’à la célébration du mariage, adopte une attitude modeste. Toute cette bruissante assemblée manifeste ouvertement sa joie, sauf les mariés dont le visage, à l’expression presque triste, symbolise le regret de quitter la maison natale… On sert à manger et à boire : un bœuf a été sacrifié et la bière traditionnelle coule à flots. La fête se poursuit toute la nuit, sous un ciel aux myriades d’étoiles. De notre lit douillet, nous entendons au loin, à peine assourdis, les chants aux rythmes lancinants.

A l’aube, quelques mélodies éparses et des battements de tambours essaient de contrer le chant des coqs. Le soleil se lève, la falaise de Korkor s’illumine et embrase un paysage de paix et de lumière.

Anna Inaudi est voyageur expert et conférencier Géo-Découverte. Passionnée de l'Ethiopie, elle y organise depuis plusieurs années des voyages culturels et à thème.

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